Elon Musk annonce la suspension du rachat de Twitter, dans l’attente de détails sur la proportion de faux comptes


Elon Musk, au Kennedy Space Center de Cap Canaveral (Floride), le 19 janvier 2020.

Toujours aussi déroutant, Elon Musk a encore frappé. Vendredi 13 mai au matin, le directeur général de Tesla et homme le plus riche du monde a annoncé « suspendre » le processus de rachat du réseau social Twitter. Il dit attendre davantage de détails sur la proportion de faux comptes sur le réseau social. Dans la foulée, l’action a plongé de 9,7 % à Wall Street, signe que les investisseurs doutent même désormais que le projet de rachat aille à son terme.

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Dans son message, M. Musk déclare vouloir s’assurer « que les spams et les faux comptes représentent bien moins de 5 % du nombre d’utilisateurs », sur les 229 millions d’utilisateurs actifs revendiqués par Twitter. Ce chiffre a été rendu public, début mai, par le réseau social, dans des documents déposés auprès du gendarme américain de la Bourse, la Securities and Exchange Commission (SEC). Les comptes automatisés sont un problème endémique sur la plate-forme, où acteurs politiques, escrocs et même services de propagande d’Etat ont recours à des comptes robots pour diffuser et amplifier leurs messages. M. Musk ne l’ignore pas : dans son projet de rachat, il affirmait vouloir mettre fin aux spams – ces messages polluants souvent émis par de faux comptes automatisés.

Le taux de 5 % avancé par Twitter est relativement bas. Par le passé, de multiples études indépendantes ont évoqué un niveau bien plus élevé ; l’entreprise a davantage investi dans la lutte contre ces comptes ces deux dernières années.

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« Lorsque nous déterminons si un compte est faux ou authentique, notre jugement joue un rôle significatif, et nos estimations peuvent donc ne pas représenter le nombre réel de ces comptes », écrivait Twitter dans les documents boursiers. De plus, la société a plusieurs fois dû, en raison d’erreurs de calcul, revoir légèrement à la baisse ses chiffres d’utilisateurs actifs mensuels, une statistique-clé.

Ces éléments peuvent bien sûr avoir une influence sur son activité, qui dépend principalement de la publicité, et donc sur sa valorisation, mais la question des faux comptes est connue de longue date et existe sur tous les réseaux sociaux. La suspension surprise du rachat peut donc apparaître comme disproportionnée ou comme un prétexte.

Des problèmes de financement liés à Tesla

Cette annonce pose des questions liées au financement du rachat de Twitter et, plus largement, à Tesla. Le cours du constructeur automobile a baissé de 29 % en un mois, ce qui a des conséquences sur les quelque 250 milliards de dollars (239,5 milliards d’euros) de fortune personnelle de Musk et, partant, sur le montage financier élaboré pour acquérir le réseau social.

Le rachat de Twitter, annoncé le 25 avril, à 54,20 dollars par action – soit 54 % de bonus par rapport au cours de fin janvier –, valorise l’entreprise à 43 milliards de dollars. Or, la fortune de M. Musk n’est pas faite de liquidités, mais d’actions. L’entrepreneur comptait, au départ, apporter un financement de plusieurs natures : 13 milliards d’emprunts à des banques, jusqu’à 21 milliards de vente d’actions Tesla et 12,5 milliards « d’un prêt sur marge », gagé sur des actions Tesla, que les prêteurs récupéreraient s’il ne remboursait pas.

Or, explique l’agence Bloomberg, M. Musk a, pour des prêts antérieurs, déjà gagé plus de la moitié de ses actions Tesla… Son nouvel emprunt sur marge de 12,5 milliards aurait été remis en cause si le cours de l’action du constructeur automobile passait sous les 837 dollars – il a atteint vendredi jusqu’à 762,18 dollars. Elon Musk a annoncé, jeudi, vouloir réduire le montant de cet emprunt, grâce à environ 7 milliards de financements d’investisseurs : le cofondateur d’Oracle, Larry Ellison, le fonds Sequoia Capital, le fonds Qatar Holding et le prince saoudien Al-Walid Ben Talal Al Saoud, qui apporterait sa part déjà détenue dans Twitter. D’après Bloomberg, M. Musk chercherait même à supprimer le prêt sur gage en vendant davantage d’actions Tesla, pour plus de 27 milliards de dollars au total.

Au-delà de ces montages financiers, la baisse du cours de Tesla révèle une tension fondamentale autour du rachat de Twitter. « En tant que PDG d’une entreprise à 1 000 milliards de dollars, Elon Musk devrait se concentrer sur Tesla et non se disperser et perdre du temps à acheter et gérer une société à 43 milliards », estimait, mi-avril, David Trainer, PDG de la société d’investissement New Constructs. De fait, M. Musk est déjà occupé par son rôle dans le constructeur spatial SpaceX, les Bourses sont en baisse, le monde connaît des crises sans précédent, la voiture électrique est en plein essor, et Tesla est confronté à des défis, comme le récent rappel de 130 000 voitures en raison d’un problème de surchauffe… Le cours du constructeur a rebondi, vendredi, à l’annonce de la mise en pause du rachat de Twitter.

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« Manœuvre dilatoire »

Quelles sont les intentions réelles d’Elon Musk ? « Wall Street va maintenant estimer que la transaction est sur le point de tomber à l’eau, ou que M. Musk tente de négocier un prix d’achat plus bas, ou encore qu’il souhaite simplement se retirer de la transaction en payant l’indemnité de rupture de 1 milliard de dollars », résume Dan Ives, analyste de la société d’investissement Wedbush Securities, qui estime les chances du rachat à « moins de 50 % ».

« On va inévitablement se demander si les faux comptes sont la vraie raison de cette manœuvre dilatoire, corrobore Susannah Streeter, analyste de la société d’investissement Hargreaves Lansdown, citée par Bloomberg. Quarante-trois milliards semble un prix gigantesque. Son annonce est peut-être une stratégie pour faire baisser ce montant. »

Une heure après son tweet fracassant, M. Musk assurait être « toujours investi » dans le rachat. Ces deux messages seront analysés de près par la SEC, qui aurait déjà ouvert une enquête sur la manière dont M. Musk a discrètement acquis une vaste quantité d’actions Twitter dès fin janvier, sans les avoir déclarées, comme le prévoit la loi américaine. L’institution avait déjà sanctionné M. Musk pour avoir publié, toujours sur Twitter, des informations sur Tesla en dehors du cadre qui s’impose à une entreprise cotée en Bourse.

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